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Projets carbone en RDC : vers un moratoire pour protéger les droits des communautés forestières

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Dans la continuité de la première projection organisée récemment en présence de la société civile, le documentaire Green Rush et le rapport intitulé « La Grande Ruée vers l’Or Vert » ont été présentés ce lundi 10 octobre 2025 à Kinshasa. L’événement a rassemblé un public diversifié composé de représentants gouvernementaux, d’experts, de bailleurs de fonds et, surtout, de membres des communautés locales directement concernées par les projets carbone en République démocratique du Congo (RDC).

Un constat alarmant sur les dérives du marché carbone

Prenant la parole lors de la présentation du rapport ” La Grande Ruée vers l’Or Verte”, Mme Vittoria Moretti, Chargée de Campagne à la Rainforest Foundation UK (RFUK), a rappelé la gravité de la situation :

« Comme nous avons pu le constater à travers la recherche et le film projeté, d’énormes superficies de terres sont engagée s dans des projets souvent très douteux, portés par des acteurs n’ayant pas toujours une réelle expérience dans la conservation. Ces projets génèrent fréquemment des  impacts négatifs, sans véritables retombées sociales ou économiques pour les communautés. »

Elle a également souligné que le non-respect des standards et de la législation en vigueur reste préoccupant, appelant ainsi à un renforcement du cadre légal et institutionnel pour garantir une régulation juste et transparente.

« Face à ces constats, nous avons recommandé la mise en place d’un moratoire sur les nouveaux projets volontaires de compensation carbone forestière, tant qu’un cadre juridique et institutionnel solide n’aura pas été établi pour encadrer ces initiatives. Nous préconisons également d’intensifier les actions de sensibilisation et de renforcement des capacités des communautés forestières, afin qu’elles puissent mieux comprendre, défendre et exercer pleinement leurs droits. »

Des témoignages poignants des communautés locales

Après la projection, les témoignages des représentants communautaires venus des provinces de l’Équateur, et de la Tshopo ont donné une dimension humaine et émotive au débat.

Leurs interventions, empreintes à la fois de frustration et de dignité, ont mis en lumière le manque de consultation, l’absence de transparence et les promesses non tenues qui caractérisent plusieurs projets de crédits carbone.

Lobo Kanga José, originaire du village Penzélé (territoire de Bikoro, Équateur), a lancé un vibrant appel :

« Si tout le monde respire, c’est parce que le poumon du monde se trouve au Congo, précisément à l’Équateur. La forêt, c’est nous. On ne peut pas parler de sa gestion sans l’implication des communautés locales. Nous sommes organisés, nous avons nos structures et nos ONG locales, mais nous ne recevons aucun appui. »

 

De son côté, Léon Soubanka, natif du territoire d’Opala (Tshopo), a dénoncé les irrégularités observées dans la mise en œuvre des projets carbone entre 2020 et 2023 :

« Plusieurs projets ont vu le jour sans réelle sensibilisation. Des signatures ont été obtenues sous influence de l’argent, parfois auprès de personnes qui n’avaient même pas qualité d’autorité coutumière. Lorsque nous avons dénoncé ces pratiques, nous avons été arrêtés et détenus pendant 48 heures. »

Ces témoignages, renforcés par les images du film, ont replacé les communautés locales au cœur du débat, rappelant que toute politique climatique durable doit d’abord reconnaître les droits des peuples qui vivent dans et avec les forêts.

Un débat riche et constructif

Par la suite, les échanges entre participants ont permis de confronter les points de vue et d’identifier des pistes de solutions.

Tandis que les experts ont salué la rigueur du rapport Green Rush, plusieurs représentants institutionnels ont reconnu la nécessité d’un cadre légal plus clair et d’un registre national des projets carbone.

Les organisations de la société civile, quant à elles, ont insisté sur l’urgence d’une gouvernance inclusive, dans laquelle les communautés ne seraient plus de simples spectatrices, mais de véritables actrices des décisions qui les concernent directement.

En outre, des propositions concrètes ont été formulées :

  • renforcer les mécanismes de suivi et de redevabilité ;

  • garantir la transparence des contrats et des flux financiers ;

  • et créer des espaces de dialogue permanents entre les différentes parties prenantes.

L’engagement réaffirmé de l’ARMCA

En clôture, M. Guy Nsimba, Directeur général de l’Agence de Régulation du Marché Carbone en RDC (ARMCA), a salué le courage des communautés et la pertinence des recommandations émises.

Dans un discours à la fois rassembleur, il a affirmé :

« Ce documentaire m’a fait réfléchir et en même temps nous interpelle. Nous allons faire en sorte que tout le monde connaisse et respecte la réglementation, du niveau international au niveau local. Rien n’est impossible si nous sommes déterminés. Dès janvier prochain, nous présenterons la première mouture de la réglementation nationale sur le marché carbone. »

Une étape décisive vers une gouvernance équitable

Ainsi, cette projection-débat du 13 octobre s’inscrit dans la continuité de la restitution du 5 septembre dernier, marquant une avancée significative dans le plaidoyer pour une finance climatique responsable en RDC.

En donnant la parole aux communautés, en favorisant le dialogue entre acteurs et en obtenant l’engagement des autorités, Green Rush se révèle être bien plus qu’un documentaire : un véritable outil de transformation et de mobilisation collective.

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